Quelle musique électronique ?

J’ai souvent l’impression de devoir situer ma pratique musicale dans un contexte donné, une esthétique particulière ou encore dans un usage précis de mon instrument. Je vais aborder ce sujet en trois publications distinctes.

Partie 1 : un contexte donné

Plus j’avance et plus j’ai tendance à rejeter tout ce qui peut être considéré comme électronique dans ma musique. Pour moi, elle n’est pas électronique. Elle dépend bien de moyens techniques qui ont besoin d’électricité pour fonctionner et qui génèrent un signal audible via le haut-parleur. Mais c’est à peu près tout ! Je la pense bien musique, une organisation de sons.

J’aime penser ma musique comme une oeuvre instrumentale où les sons ont une origine mécanique qui dépend d’une structure matérielle, avant de se propager aux alentours. Acoustiquement parlant, c’est bien le cas, le haut-parleur est une structure matérielle qui vibre en transduisant les variations (vibrations) électriques du courant. Le haut-parleur c’est comme l’ordinateur ou l’écran, une conception des plus générales pour répondre aux usages les plus variés qui soient. Seulement ici, je parle plutôt d’une façon de percevoir et d’imaginer qui dépasse le phénomène physique. Il est question d’une perspective perceptive différente sur ce qu’est un son électronique et par corrollaire l’instrument qui le produit. Le synthétiseur serait alors pour moi une sorte d’ensemble instrumental où se trouve différents instruments. Il me semble que Morton Subotnick avait plus ou moins dit la même chose sur son Buchla ?

Au-delà du synthétiseur modulaire que j’utilise, même lorsque je travaille à partir d’enregistrements, je pense à des musiciens qui joueraient ce que je compose. Pourtant, je n’ai pas forcément envie que de véritables musiciens rejouent ses phrases électroniques. J’aime utiliser les moyens électronique pour leurs capacités propres, qui sont tout simplement autres, différentes de celles d’un instrumentiste. Je ne cherche pas à emprunter des gestes, attitudes et façons de jouer qui sont propres à l’utilisation d’un instrument acoustique non plus. Cette fameuse expressivité bien romantico-bourgeoise qui montre au public à quel point le premier violon est un virtuose. On pourrait parler de la “sensiblerie” comme le dit Xenakis, que je ne refuse pas comme lui et qui peut exister dans le son lui-même sans avoir besoin d’être sur-existante dans la passion de jeu, ou encore dans le vibrato pour coller à l’exemple de Xenakis.1

Je peux alors conclure sur le contexte qui m’intéresse. Je me sens bien plus proche d’instrumentistes acoustiques que des musiciens électroniques, DJs ou même de joueurs de synthétiseur modulaire. Ma musique ne se place pas dans un contexte électronique mais plutôt dans un contexte instrumental imaginé et imaginaire. Comme si nous étions capable de fabriquer des instruments qui produiraient ces sons là et des instrumentistes qui seraient capables de jouer de cette manière là.

Peut-être que je tente d’ouvrir une brèche sur la définition même de l’électronique en musique ? Bien sûr, l’approche de la musique électronique dont je parle est la mienne. Elle est basée sur l’usage exclusif de la synthèse sonore sonore et non du sampling ou du traitement de sons en direct. Peut-être que je cherche à donner une autre substance à ce qu’implique l’usage du son de synthèse ? Dans ce cas, l’imaginaire lié au son de synthèse et son utilisation la plus courante serait aussi à questionner.



  1. Il faut être constamment un immigré - Entretiens avec Xenakis de François Delalande paru en 1997 chez Buschet-Chastel. ↩︎